lundi 27 juin 2016

C.L.A.S.S.E.S. a 10 ans !!!



 2006 - 2016 
Quelques faits marquants depuis la création de l'association C.L.A.S.S.E.S.

2006

Premières prises de contact à la Soie

Le bidonville de la Soie regroupe 450 personnes dont 260 enfants, aucun n’est encore scolarisé.
 

Au sein de la Ligue des Droits de l’Homme, un groupe de travail réunissant 14 associations envisage de créer un « lieu passerelle ».

Objectif : accueillir les enfants en vue de leur scolarisation et interpeller l’opinion publique : Pourquoi ces enfants-là ne sont-ils pas à l’école ? 

29 mai 2006 : assemblée constitutive de C.L.A.S.S.E.S.

C.L.A.S.S.E.S est hébergé dans les locaux de la LDH, place Bellecour, puis cours de Verdun. Ce soutien constant est précieux.

Le collectif rrom se structure en parallèle.

Les premiers contacts avec l’Inspection Académique et avec les mairies sont rudes. 

35 enfants commencent l’école en décembre 2006.

En 2007, 110 enfants vont à l’école, jusqu’à l’expulsion du terrain le 1er aout.

 
2007

Entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’Union Européenne  avec mesures transitoires qui restreignent l’accès à l’emploi.
Rassemblement du 23 janvier sur le terrain de La Soie pour signifier notre solidarité avec les habitants du terrain et demander pour eux une solution digne et durable.

Présence des médias, de personnalités (un député, un évêque, un pasteur), et du comité des riverains.

Ce rassemblement a permis aux journalistes de découvrir le terrain et de parler avec les habitants.




Démarrage des ateliers peinture sur le terrain avec Arts et Développement, et de la bibliothèque de rue avec ATD Quart Monde. 



Accord passé avec le SYTRAL : abonnement à tarif social pour les enfants scolarisés.


2008

Plusieurs squats sont repérés.

Sur le terrain Paul Bert, plusieurs familles se regroupent. 
Ce terrain sera évacué en 2010.


Sur le terrain rue Paul Bert

Les bénévoles inscrivent les enfants dans les écoles des différentes communes.

 Organisation des premières réunions pour les enseignants.





172 enfants suivis par CLASSES, 72 scolarisés.

48 en élémentaire et 24 en collège.



2009

Année marquée par les expulsions à répétition.

Au printemps : Kruger, bât. EDF Villeurbanne, Yves Farge Lyon7, terrain des Roberdières à Chassieu,  St Priest, soit 320 personnes

Dans l’été : auto pont Guillotière, Eurexpo à Chassieu, Berthelot Lyon8, Marius Grosso Vaulx en V. soit 280 personnes.

Expulsions en pleine vague de froid le 11 décembre : usine avenue Viviani à Vénissieux, et terrain de Surville à Lyon 8, soit 270 personnes.


Des cars emmènent directement les familles vers la Roumanie. 

Scolarisation : la dispersion et l’instabilité rendent difficile le travail des référents bénévoles de C.L.A.S.S.E.S.

92 enfants sont scolarisés.



Première fête du Peuple Rom organisée à Lyon par le collectif rom.








 2010

Les discours politiques discriminatoires attirent l’attention sur les populations roms, C.L.A.S.S.E.S. informe et sensibilise.

 Soirée témoignage et débat pour le 20ème anniversaire de la Convention des Droits de l'enfant avec RESF au CCO de Villeurbanne.


Participation au groupe de travail Ville de Lyon sous la direction des adjoints aux affaires sociales et aux affaires scolaires (jusqu’en 2014).


Suite aux expulsions, il n’y a plus en mai 2010 que 57 enfants scolarisés, sur les 101 inscrits en novembre 2009.

Contact avec 43 établissements scolaires :

6 écoles maternelles, 22 écoles élémentaires et 15 collèges.

Ramassage scolaire sur le terrain de St Fons...













2011

140 personnes rue Baldassini à Lyon7.

270 personnes à St Fons (terrains de St Gobain et la Chimie).

Tous sont expulsés en septembre.

Incendie dans un hangar à Vénissieux : 90 personnes doivent partir.
Enfants de la Feyssine sur le chemin de l'école
Début du terrain de la Feyssine.
 
Interpellation des responsables : préfet, maires, Conseil Général, DDCS, Défenseur des Droits, Défenseur des Enfants, évêché, élus locaux, européens.
 


Partenariats intensifiés pour une demande d’hébergements convenables et pérennes.

Les réunions de coordination pour les bénévoles s’organisent.

 
 Au hangar de Vénissieux, l’atelier peinture débouche sur une exposition avec articles de la  Convention Droits de l’Enfant qui sera utilisée à St Fons, puis ailleurs. 






2012

Circulaire interministérielle en faveur des habitants de bidonvilles, sans mise en œuvre concrète.
Création d’un poste de chargée de mission pour les enfants « allophones » à la Direction académique des Services  de l’Education Nationale, qui devient notre interlocutrice.


Création du Conseil d’Administration de C.L.A.S.S.E.S.

Bénévoles de C.L.A.S.S.E.S. en action








 





Première rencontre de travail des bénévoles sur une journée.



 2013

Projet d’insertion Andatu monté par la préfecture. Il concernera au final environ 400 personnes.



Depuis 2012, C.L.A.S.S.E.S. est investie sur le squat Audibert Lavirotte : scolarisation, ateliers peinture avec Emilienne Mazzocut, jusqu’à l’incendie en mai qui provoque la mort de 3 personnes. 
 St Fons : une pétition est lancée pour contester la scolarisation jugée discriminatoire de 25 enfants du terrain de Sampaix. Il sera expulsé en mars 2014.



Création du blog de C.L.A.S.S.E.S.


2014

Levée des mesures transitoires : l’accès des roumains à l’emploi et à la formation est facilité.

 
Proposition est faite à C.L.A.S.S.E.S. de porter un poste de médiateur scolaire salarié.

Le projet est monté mais finalement abandonné par l’Etat.











C.L.A.S.S.E.S. participe à la Coordination Urgence Migrant créée suite à l’évacuation de St Fons.




2015

Mobilisation sur le terrain de Bron suite au refus de scolarisation, création d’un collectif de bénévoles : accompagnements scolaires, ateliers peinture,…

Mise à la rue des 200 personnes en avril.


St Priest : creusement de tranchées autour du terrain où vivent 200 personnes.

 

Lancement du projet « Insertion par l’Ecole et l’Emploi » par la préfecture. En 2016, il touchera 150 personnes, choisies par le préfet parmi les 450 habitants des bidonvilles de St Priest, Villeurbanne et Vaulx en Velin.

2016

C.L.A.S.S.E.S. fête ses 10 ans le 19 mars avec les familles. 
Au programme : cuisine, jeux, ateliers d'expression, théâtre forum, repas, musique et danse !










mercredi 1 juin 2016

16 mois de stabilité, une chance ?

Atelier peinture avec des bénévoles de C.L.A.S.S.E.S. devant le squat de Roger-Salengro, à Villeurbanne
L'évacuation du squat de l'avenue Salengro, à Villeurbanne, en mars, a laissé trois familles roms à la rue, et porté un coup dur aux parcours d'insertion laborieusement initiés par ses habitants.

Jeudi 10 mars 2016, peu après 8 heures. Le 204, avenue Roger-Salengro, à Villeurbanne, vient d'être vidé de ses derniers occupants. Cinquante adultes et quinze enfants environ. En seize mois, cette petite maison sur un étage a vu défiler plus de vingt familles roms à la recherche d'un toit. La police  a chassé, manu militari, ceux qui occupaient toujours les lieux en cette belle matinée de mars. Les membres de C.L.A.S.S.E.S. et d'autres associations, arrivés sur place peu après le début de l'opération, assistent à la scène, impuissants. Les familles se savaient en sursis. Le terrain était destiné à un projet immobilier de la Ville. Mais l'opération, attendue pour la fin du mois, a pris tout le monde par surprise.

Le 204, avenue Salengro était un squat. Mais c'était surtout un lieu de vie. Certaines familles y vivaient depuis 16 mois. Une demeure de fortune pour des familles sans cesse ballotées de camps en squats, en quête d'un lieu où s'établir durablement. Cette relative stabilité a permis à certains d'avancer dans leurs parcours d'insertion, jusqu'à obtenir un emploi,  et enfin un logement en bout de course.

Parmi les occupants, 15 familles suivis par C.L.A.S.S.E.S.  :
6 familles avaient ouvert le squat en novembre 2014, chassées de leur dernier lieu de vie.
9 autres étaient venues les rejoindre au cours de l'année 2015.

22 enfants ont été scolarisés et ont ainsi pu reprendre l'école interrompue par leur dernier exil, pour y vivre une enfance presque normale... en attendant la prochaine expulsion.
  • 16 en primaire, à Villeurbanne
  • 6 au collège, à Lyon, Villeurbanne et Rillieux-la-Pape

Quant aux adultes, sept d'entre eux ont profité de cette stabilité provisoire pour trouver un travail.
Quatre de ceux qui ont un emploi ont même fini par avoir un logement stable pour leur famille. Car c'est bien l'emploi qui permet d'accéder à un logement durable et décent. Les deux autres vivent temporairement à l'hôtel, une autre famille est encore en squat.

5 de ces familles vivaient encore là le jour de l'expulsion
    • 2 ont été placées à l'hôtel le soir même dans le cadre du plan froid, car elles ont des enfants de moins de 3 ans
    •  2 ont cherché des places dans d'autres squats
    • 1 est repartie en Roumanie

L'expulsion a été soudaine.
Résultat : trois familles à la rue, sept enfants déscolarisés, un emploi perdu et un retour forcé en Roumanie.

Occupé à gérer l'urgence, l'un de ceux qui avaient trouvé un travail n'a pu s'y rendre durant plusieurs jours. Il a perdu son emploi. Sur les onze enfants encore scolarisés sur place, seul quatre ont pu retrouver le chemin de l'école, après un mois d'interruption, et un changement d'école pour deux d'entre eux.  Des trois familles laissées sur le trottoir, ce jeudi, l'une a dû se résoudre à rentrer en Roumanie, un pays qu'ils avaient fui pour échapper à la condition de parias qui les y attend sans doute.


TRISTE DEPART

« La famille, à la rue depuis ce matin avec ses six enfants, a passé la journée sur la pelouse du rond-
point. Par chance il fait beau, nous avons partagé le café, les bananes, les jeux de ballons et les
chansons. Il ne reste plus qu’eux. Nous avons tout essayé, appelé partout, pas de solution. Le papa se résout à organiser un départ en Roumanie pour sa famille. Alors les enfants sortent de leurs sacs à
dos leurs cahiers et leurs cartes de bus, et viennent me les remettre, un par un. Avec délicatesse, ils
me les confient, en silence. »
« Que dois-je comprendre ? Que je dois prendre soin de ces pages d’écriture maladroite, de ces traces
de votre vie d’élève, parce qu’elles vous sont précieuses ? Que là où vous allez il n’y a pas de place
pour eux ? Que vous imaginez de revenir, et que je sois toujours là, avec vos cahiers, et que tout
recommence ? »
« Vos sacs étaient bourrés de tout ce que vous aviez pu sauver dans la panique de l’expulsion,
vêtements, provisions. Mais vous aviez gardé vos cahiers ! »
Pour vous l’école est une chance, mais aussi un luxe, rare. Où êtes-vous maintenant, que faites-
vous ? »
« Je garde vos cahiers. Précieusement. »
 Blandine Billaux




CHAQUE EXPULSION EST UN COUP DUR
Outre le traumatisme provoqué par ces opérations, les conséquences négatives des expulsions sont multiples.
Quand elle sont menées sans préavis, comme ça été le cas à Villeurbanne le 10 mars 2016, elles empêchent les habitants d'anticiper sur la suite, de chercher des solutions et d'organiser leur départ. Cela entraîne donc nécessairement des situations à régler dans l'urgence. Des familles entières se retrouvent ainsi à la rue avec leurs enfants.
Les relogements en hôtels se font dans des endroits généralement éloignés des précédents lieux de vie, ce qui rend difficile et coûteuse la poursuite de la scolarité pour les enfants, et complique l'accès à leur lieu de travail pour les parents. Le problème se présente également pour ceux qui trouvent des places dans de nouveaux squats, souvent éloignés des précédents lieux de vie eux aussi. 
La dispersion des familles brise par ailleurs l'unité des groupes, dans lesquels naissent des liens de solidarité précieux pour la subsistance d'une population vivant dans un tel dénuement.
Enfin, les lieux de vie sont évacués à la hâte. Les habitants ne prennent donc que le minimum nécessaire, laissant derrière eux le peu qu'ils avaient pu acquérir le temps que dure un squat. Ils ne peuvent rien récupérer par la suite. Dans la précipitation, l'un des enfants du 204, avenue Salengro, s'était, par exemple, trompé de sac au moment de quitter les lieux. Il s'est donc retrouvé sans autres habits que ceux qu'il portait sur lui. Une petite fille avait, elle, oublié ses lunettes. Elle n'a jamais pu les récupérer. En faire refaire s'avère problématique pour une famille démunie.